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Le développement des réacteurs à sels fondus utilisant le thorium représente une avancée majeure dans le domaine de l’énergie nucléaire. En juin 2024, un prototype chinois a atteint sa pleine puissance opérationnelle, marquant une étape déterminante dans l’histoire de cette technologie. En octobre de la même année, des chercheurs chinois ont réussi à recharger le combustible du réacteur sans l’arrêter, un exploit mondial inédit. Cette prouesse, annoncée par Xu Hongjie, chef de l’équipe scientifique responsable du projet, illustre la position de la Chine à la pointe de l’innovation nucléaire mondiale. Cette technologie, reposant sur des travaux américains déclassifiés des années 1960, offre une alternative prometteuse aux réacteurs nucléaires traditionnels, avec des avantages en termes de sécurité, d’efficacité énergétique et de gestion des déchets.
Histoire et renaissance des réacteurs à sels fondus au thorium
Les réacteurs à sels fondus ne sont pas une idée nouvelle. Le Molten Salt Reactor Experiment (MSRE), développé dans les années 1960 par le Oak Ridge National Laboratory aux États-Unis, a été le premier à être testé en grandeur nature. Ce prototype utilisait principalement de l’uranium-235 et plus tard de l’uranium-233, ce dernier étant produit à partir du thorium. Après cinq années d’exploitation, ce programme fut interrompu alors que les objectifs expérimentaux étaient atteints. Les États-Unis ont déclassifié ces recherches, rendant ainsi les résultats accessibles à la communauté scientifique mondiale.
La Chine, en s’appuyant sur ces données, a décidé de relancer cette technologie à partir de 2011. La construction du réacteur expérimental a démarré en 2018 dans le désert du Gobi, région choisie pour sa stabilité géologique et son isolement. Cette reprise est marquée par une montée en puissance importante de l’équipe de chercheurs, qui est passée de quelques dizaines à plus de 400 personnes. Ce travail de longue haleine illustre un investissement scientifique et industriel d’envergure. Puissante, mais peu connue, cette technologie promet de réduire le poids environnemental des centrales actuelles.
Fonctionnement et avantages du réacteur à sels fondus au thorium
Le fonctionnement du réacteur repose sur l’utilisation de sels fluorés en fusion qui servent à la fois de catalyseur et de vecteur pour le combustible thorium dissous. Ce système permet d’atteindre des températures de fonctionnement dépassant 700 °C tout en évitant les contraintes de haute pression des réacteurs classiques à eau pressurisée. Le thorium-232 utilisé doit être transformé en uranium-233 fissile pour produire de l’énergie, ouvrant ainsi un cycle nucléaire inédit, moins proliférant et générant moins de déchets radioactifs persistants.
À noter que le thorium est disponible dans la croûte terrestre en quantités trois à quatre fois supérieures à celles de l’uranium. Par ailleurs, le thorium présente une faible aptitude à la fabrication d’armes nucléaires. Le réacteur produit très peu de plutonium-239, isotope largement utilisé dans la production d’armes nucléaires, et l’uranium 233 issu du thorium est plus difficile à extraire pour des fins militaires. Selon les données chinoises, le contenu en plutonium des déchets de ce type de réacteur est nettement inférieur à celui des réacteurs conventionnels, représentant un atout important pour la non-prolifération.
Sécurité passive et spécificités techniques
Le réacteur à sels fondus se distingue également par ses dispositifs de sécurité passifs. En cas de surchauffe ou de panne de courant, un “bouchon de sel gelé” situé à la base du réacteur fond automatiquement, permettant aux sels radioactifs liquides de s’écouler dans une cuve secondaire refroidie par gravité. Ce mécanisme naturel évite les risques de fusion du cœur et limite la dépendance à des actions humaines rapides.
Les défis techniques demeurent néanmoins importants. La nature corrosive des sels fondus impose l’utilisation d’alliages spécifiques tels que l’Hastelloy-N, capable de résister à la fois à la radioactivité et à la corrosion chimique dans des conditions extrêmes. La durabilité de ces matériaux sur plusieurs décennies est cruciale pour la viabilité commerciale de la technologie. Par ailleurs, la gestion en continu de la chimie et des sous-produits de fission est plus complexe que dans les réacteurs à barres de combustible solide classiques, exigeant des systèmes sophistiqués pour maintenir la stabilité du circuit.
Perspectives industrielles et applications futures
La Chine a déjà initié la construction d’un réacteur de démonstration de 10 MWe dans la province de Gansu, avec une mise en service prévue pour 2030. Cette installation produira à la fois de l’électricité et de l’hydrogène, répondant aux ambitions nationales de transition vers une énergie renouvelable et bas carbone. Le réacteur fournira une puissance thermique de 60 MW, contribuant à établir un hub énergétique dans le désert, où l’utilisation du thorium pourrait devenir un pilier stratégique.
Outre la production électrique, cette technologie est envisagée pour des applications telles que la production thermochimique d’hydrogène vert, un secteur clé pour la décarbonation industrielle et la mobilité. Des concepts émergents imaginent également des navires propulsés par des réacteurs au thorium, capables de naviguer pendant plusieurs années sans ravitaillement, ce qui réduirait considérablement les émissions du transport maritime.
Caractéristique | Réacteur au thorium | Réacteur conventionnel à uranium |
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Temps de fonctionnement | Recharge sans arrêt (en continu) | Arrêt requis pour rechargement |
Température de fonctionnement | > 700 °C | ~ 300 °C (eau sous pression) |
Prolifération | Basse (difficile à exploiter militairement) | Plus élevée (plutonium-239 produit) |
Production de déchets | Moins de déchets radioactifs de longue durée | Quantité plus importante |
Refroidissement | Molten salt (sels fondus) | Eau sous pression |
Malgré ces avancées impressionnantes, la voie vers une exploitation commerciale à large échelle reste semée d’embûches. La gestion des matériaux, les pratiques de sûreté et la réglementation devront évoluer pour accueillir cette technologie encore expérimentale. La question des déchets, bien que réduite, impose une vigilance constante, particulièrement pour les mélanges complexes produits.
Il est clair que la relance chinoise de cette technologie ouvre un nouveau chapitre dans la production nucléaire, combinant innovation, sécurité et ambition environnementale. Reste à savoir comment cette avancée sera accueillie par la communauté internationale et quelles seront les implications géopolitiques d’une telle maîtrise du thorium. Les réacteurs à sels fondus au thorium sont-ils la clé d’un avenir énergétique plus sûr et plus propre, ou soulèveront-ils de nouveaux défis que nous devons encore imaginer ?
Fascinant! La technologie du thorium pourrait vraiment changer la donne pour le nucléaire, surtout avec la possibilité de recharger sans arrêt. Cela devrait encourager d’autres pays à accélérer leurs recherches dans ce domaine.
Je reste un peu sceptique sur la durabilité des matériaux face à la corrosion. Même si l’Hastelloy-N est résistant, sur plusieurs décennies, ça me semble risqué. Espérons que les tests en vraie grandeur confirment la robustesse du système.
Haha, un réacteur nucléaire qui continue de tourner sans s’arrêter ? C’est un peu le rêve de tous ceux qui aiment que ça chauffe, non ? 😄 Blague à part, c’est impressionnant, mais espérons que la sécurité soit au rendez-vous car là, ça fait un peu science-fiction!