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Les récents développements géopolitiques entre les États-Unis et la Chine portent une attention particulière sur les entreprises maritimes chinoises et leur rôle controversé dans la stratégie militaire du pays. En août 2024, la société d’État Cosco Shipping Holdings, leader mondial du transport maritime, a été inscrite sur la liste noire américaine, accompagnée de deux grands constructeurs navals, en raison de leurs liens présumés avec l’Armée populaire de libération (APL). Ce mouvement marque une nouvelle étape dans la rivalité croissante entre Washington et Pékin, en soulignant les implications militaires cachées derrière des activités commerciales civiles. Cette décision de Washington s’inscrit dans un cadre plus large incluant des sanctions visant aussi des géants chinois des secteurs technologique et énergétique, démontrant l’intensification des tensions stratégiques entre les deux puissances.
Cosco, symbole de la fusion civil-militaire chinoise
Cosco Shipping Holdings illustre parfaitement la politique de fusion civil-militaire pratiquée par la Chine. Cette entreprise, classée parmi les plus grandes compagnies maritimes mondiales, joue un rôle logistique essentiel pour la marine chinoise depuis plus d’une décennie. Selon un rapport de 2020 du Center for Strategic and International Studies, Cosco est considérée comme « le bras maritime de l’APL ». En effet, elle soutient depuis 2008 les opérations navales de la marine chinoise dans des zones stratégiques telles que le golfe d’Aden, facilitant ainsi leur déploiement lointain.
Au-delà de son soutien direct à l’APL, Cosco est également mise en cause dans des pratiques controversées, notamment pour son rôle dans le transport de pétrole iranien, sanctionné par les États-Unis en 2019 puis levé en 2020. L’inscription récente de Cosco sur la liste noire américaine n’établit pas de sanctions immédiates, mais elle décourage fortement les entreprises américaines de collaborations commerciales avec elle, accentuant ainsi la méfiance et les tensions commerciales.
Le scénario du navire « cheval de Troie »
Un incident majeur a renforcé les inquiétudes concernant la double vocation des navires chinois : en août 2024, le Cosco Sakura, un porte-conteneurs long de 366 mètres capable de transporter plus de 14 000 conteneurs, a accosté dans le port de Norfolk, en Virginie, à proximité de la plus grande base navale américaine. Ce navire est construit dans un chantier naval qui fabrique aussi les navires militaires de l’APL, dont le porte-avions Fujian.
Thomas Shugart, ancien officier de sous-marin et spécialiste américain, a souligné le potentiel militaire caché de ce bâtiment civil. Selon lui, si seulement 10 % des conteneurs transportaient des armements, cela représenterait une capacité d’attaque massive comprenant 144 missiles de croisière et 252 drones quadcoptères, capables de détruire les navires stationnés et d’atteindre des cibles sur la côte est américaine. Cette hypothèse alarme quant à l’usage stratégique des flottes civiles chinoises dans un cadre militaire dissimulé, une illustration flagrante de l’intégration directe entre infrastructures civiles et ambitions militaires.
La force d’ombre maritime de la Chine
Un rapport publié en décembre 2024 par le China Maritime Studies Institute du US Naval War College révèle l’existence d’une « force d’ombre » constituée de deux composantes : la réserve de la marine chinoise (PLAN Reserve) et la milice maritime.
La réserve de la marine chinoise, regroupant majoritairement d’anciens militaires, reste une composante discrète mais cruciale du dispositif naval. Les réservistes portent l’uniforme de la marine et peuvent être mobilisés pour renforcer les opérations navales. Leur rôle est essentiellement de soutien mais leur intégration dans la stratégie globale permet une flexibilité considérable en termes de ressources humaines qualifiées.
Par ailleurs, la milice maritime – une force civile armée offrant une couverture « grise » – joue un rôle clé dans la stratégie dite du « gray zone ». Composée notamment de pêcheurs et d’autres opérateurs maritimes, cette milice opère dans une zone interstitielle entre paix et conflit, permettant à la Chine d’étendre ses revendications sans engagement militaire officiel. L’usage croissant de navires civils pour des opérations de transport amphibie, comme lors d’exercices en 2021, atteste de la sophistication de ce dispositif hybride qui soulève de nombreuses critiques, surtout concernant le respect du droit international maritime.
La domination industrielle et commerciale de la Chine en mer
Au-delà de ses capacités militaires, la Chine exerce une domination sans précédent sur les infrastructures maritimes mondiales. Elle contrôle sept des dix ports les plus fréquentés au monde et produit plus de 95 % des conteneurs maritimes. En 2024, son industrie de construction navale a atteint une production de 42,3 millions de tonnes de port en lourd, soit plus de la moitié de la production mondiale.
Cette puissance industrielle s’accompagne d’un contrôle accru des chaînes d’approvisionnement globales, renforcé par des mesures restrictives sur l’exportation de composants technologiques sensibles, notamment pour les drones. La place centrale de la Chine dans le commerce maritime mondial – 90 % des échanges commerciaux transitent par la mer – en fait un acteur incontournable, capable d’utiliser cette position pour exercer une influence géopolitique considérable. Cette conjonction d’une capacité industrielle colossale et d’une stratégie militaire furtive dessine le profil d’une puissance maritime qui inquiète l’Occident.
Alors que la rivalité maritime sino-américaine s’intensifie à nouveau avec la prochaine administration Trump, ces éléments soulèvent des questions clés. Jusqu’où les stratégies duales entre civil et militaire vont-elles modifier l’équilibre géostratégique mondial ? Les interactions complexes entre commerce, industrie et défense nationale chinois mettent-elles en danger la stabilité des règles internationales en vigueur ?
Impressionnant la stratégie de la Chine avec ces navires civils qui peuvent se transformer en plateformes militaires. Ça soulève vraiment des inquiétudes pour la sécurité globale surtout avec des navires aussi imposants que le Cosco Sakura. Faut-il s’attendre à une nouvelle ère où la guerre se fera par conteneurs interposés ?
Je trouve que la fusion civil-militaire est une approche inquiétante. Cela brouille tellement les lignes qu’il devient presque impossible de distinguer l’usage commercial de l’usage militaire. Cela pourrait bien compliquer les règles du droit maritime international.
C’est fascinant de voir comment un simple porte-conteneurs pourrait potentiellement transporter 144 missiles et 252 drones ! On avait jamais imaginé que les conteneurs pouvaient cacher autant de puissance de feu 😲
Certes, la Chine a une grande influence maritime, mais n’oublions pas que les États-Unis ont aussi d’énormes capacités navales. La guerre n’est pas gagnée d’avance pour Pékin, même avec sa ‘force d’ombre maritime’. Restons prudents sur les assertions alarmistes.